Vous me l'aviez réclamé, voici l'article sur la projection en cinéma !
(Comme quoi, tout arrive...)
Encore un article long, râleront certains (suivez mon regard...^^)
mais c'est pour votre culture.
1/ LA PROJECTION EN 35mm
35 millimètres, c'est la largeur de la pellicule sur laquelle est reporté le film. Il existe d'autres formats en projection (8mm, 16mm, 70mm comme à la géode, et d'autres encore) mais le 35 s'est imposé comme un standard et c'est celui que l'on rencontre dans tous les cinémas.
Les films sont livrés en plusieurs parties (entre 5 et 7 pour la plupart des films), en plusieurs bobines d'environ 600m chacune (le tout pesant entre 12 et 15 kg). Enfin, dans notre cinéma, maintenant, elles sont livrées ; ce n'était pas le cas quand j'ai débuté, il fallait tous les mercredi prendre sa petite voiture et faire le matin le tour des stocks répartis autour de la région parisienne, il fallait parfois partir vers 6h30 et se taper 200, 250 bornes pour prendre livraison de 4 ou 5 films sur 5 stocks principaux (filminger, DS, filmor...)
Dans mon cinéma, nous sommes équipés de grands plateaux qui nous permettent de "monter" les films. Cela consiste à coller ces bobines dans l'ordre (ça vaut mieux) et dans le bon sens (ça vaut mieux aussi) (je précise, car il arrive que les bobines soient à l'envers ou rangées dans les mauvaises boîtes, il faut donc être très vigilant). Pour nous aider, des amorces (pellicules sans photogrammes) sont placés au début et à la fin de chaque bobine, elles comportent :
- le titre du film (ou parfois un titre fantaisiste pour les "grosses sorties" pour éviter le piratage")
- le numéro de la bobine
- un décompte d'une quinzaine de secondes
- la première image (ou dernière selon l'amorce) de cette partie du film.
Les bobines sont scotchées les unes aux autres et on place en général des repères pour faciliter le démontage. elles sont enroulées autour d'un arceau amovible fixé sur le plateau.
Toujours dans mon cinéma, nous avons trois plateaux (d'autres systèmes existent) superposés, ce qui permet de passer un film en même temps que l'on en monte un autre.
Pour passer un film :
On sélectionne les plateaux dont on va avoir besoin, il faut passer une amorce dans le chemin qui va être emprunté, de la bobine débitrice à la réceptrice. Et il faut bien former les différentes boucles et bien placer le film afin d'éviter tout décadrage (projeter le bas d'une image en haut, et le haut de l'image suivante en bas) qui serait rattrapable mais pas très agréable pour les spectateurs.
Vous remarquerez sur ce magnifique schéma réalisé sous paint plusieurs choses :
- Le début du film est au centre de la bobine. La pellicule est en quelque sorte "aspirée" du centre pour être envoyée vers le projecteur. On enlève donc l'arceau central pour le poser sur le plateau récepteur où viendra s'enrouler le film. De cette manière, il n'est pas besoin de rembobiner le film (certains cinéma le doivent, entre chaque séance)
- Le son est séparé de l'image, il donc est aussi décalé sur la pellicule. Il y a plusieurs systèmes de son, dont les principaux sont :
- le mono pour les anciens films,
- le dolby SR (spectral recording) situé entre l'image et les perforations. Stéréo.
- le dolby Digital (inscrit en format numérique entre les perforations du côté son SR).
- le DTS, dont le support sont plusieurs CD-Rom, associé à des TimeCode sur la pellicule.
Image pas de moi.
Ici, la bande optique son est en noir, mais pour faciliter le tirage des copies dans les laboratoires de cinéma, elle est maintenant très souvent bleue. Les diodes pour la lecture du son sont donc devenues rouges, ce qui permet une meilleure lecteur quelque soit la couleur de la bande son.
- Deux boucles qui servent d'amortisseurs, car si le son est lu en continu, l'image, elle, doit s'arrêter devant la fenêtre de projection (ce qui explique la séparation entre son et image). Dans une seconde de film, il y a 24 images (sauf quelques films en 25 et les vieux films, surtout les muets, qui peuvent passer à 18im/s environ), chaque image est projeté en fait deux fois pour éviter tout scintillement (donc la pellicule doit VRAIMENT être fixe pendant ce temps).
Voici les fameux plateaux, en alu.
Ces plateaux sont rotatifs (mais toujours dans le même sens)
Sur cette photo, les plateau du haut sert de plateau débiteur ; on le voit bien à deux choses :
- le film est "aspiré" de l'intérieur pour être envoyé sur la potence (à gauche) qui dirige le film dans l'axe du projecteur.
- l'appareil au centre du plateau, le "palpeur" dont voici un gros plan :
A droite sur cette photo, on voit un petit bras mobile dans lequel passe la pellicule et qui permet de réguler la vitesse de rotation du plateau.
Là, à vu de nez, il doit rester 15 minutes de film.
La marque plus grise, en bas du gros plan, correspond à l'arceau qui tient sur le plateau grâce à deux petits ergots.
Juste pour les pubs avant séances, nous utilisons des petites bobines fixées directement sur le projecteur.
Vient ensuite le coeur de la projection, le
projecteur en lui-même.
Celui que nous avons est assez simple à l'usage. Je n'ai pas pris le côté motorisation qui ne présente pa énormément d'intérêt, c'est un assemblage de poulies, courroies, chaines... qu'on ouvre seulement pour l'entretien et régler la vitesse de projection si besoin.
Le film arrive de la potence par le haut.
Les roues dentées servent à l'entraînement du film à la vitesse très exacte de 24 images secondes.
Première boucle et les images filent la tête vers le bas et les pieds vers le haut (l'optique inverse les images) devant la fenêtre de projection.
FP30 c'est le modèle du projecteur (Kinoton)
Sur ce plan, on trouve plusieurs éléments :
- la lanterne, c'est à dire la lampe avec un miroir pour envoyer le plus de lumière possible (c'est chaud ! si la pellicule venait à se bloquer devant la lampe qui resterait allumée, elle fonderait très rapidement
- un obturateur (qui coupe le flux lumineux entre deux images)
- une fenête de projection dans laquelle on glisse un masque suivant le format du film (1,33 ; 1,66 ; 1,85 panoramique ; 2,35 scope)
- un patin qui vient presser contre la pellicule pour la maintenir bien à plat contre le couloir de défilement.
- l'optique qui va envoyer l'image vers l'écran. Ici, il s'agit d'un scope avec dans la partie grise le primaire de scope (une optique 1,33) et la partie orange qui est l'anamorphoseur, qui va étirer l'image en 1,33 en une image 2,35.
Il y a une optique par format. Sur certains projecteurs, les optiques sont montées sur tourelle, là elle est totalement amovible. Lerond en bas de l'optique sert à contrôler le point.
Deuxième boucle. Lesboucles sont faites au jugé, ni trop serrés ni trop lâches pour éviter les vibrations (et le bruit atroce qui résulte d'une mauvaise boucle)
Le film passe autour du lecteur son Dolby dont on voit la diode rouge puis retour à l'envoyeur ! via une nouvelle roue dentée qui ferme la marche avec en rouge, juste à côté, un système de sécurité qui coupe le projecteur en cas de malfonction (si la pellicule casse ou bourre). Deux autres systèmes de sécu sont autour des plateaux, donc l'un régule aussila vitesse du plateau récepteur.
Dernière photo : retour par la potence et sur la plateau récepteur via ce fameux bras régulateur. On voit au centre l'arceau sur lequel s'enroule le film.
Le plateau fait en gros 1m20 de diamètre et le film 5km de long (Autant vous dire que c'est une tanée lorsque le film tombe par terre et s'emmêle)(ça m'est déjà arrivé, et j'en garde comment dire... un très mauvais souvenir, puisqu'il s'agissait d'un projection avec présence du réalisateur [très connu, fait exprès] mais tout s'est bien fini, après 6h seulement de boulot, presque en larmes et suivi d'un mal de dos et de bras carabiné, j'ai passé le film comme il fallait)
Sur ces plateaux on peut donc passer un film et en stocker ou en monter un autre. Si on veut passer d'autres films pendant la semaine, il faut déplacer les films sur des plateaux en bois ou sur des tables.
Une vue d'ensemble avec plateaux, potence, projecteur. On voit bien la pellicule passer de l'un à l'autre et revenir
Sous la lanterne (beige), sur la petite table, c'est le sélecteur de plateaux, pour dire qui débite, qui reçoit...)
tout à droite, l'ordi et le proj numérique.
Il y a un masque de soudeur à droite de la porte, qui sert quand on ouvre la lanterne pour nettoyer le miroir ou changer la lampe. Il est mêmeconseiller de porter un blouson en cuir devant derrière pour pallier à tout éclatement de lampe, afin de protéger la gorge des éclats de verre.
Dernier détail : Avec la pelloche, il faut monter les films le mercredi avant les séances. Bien sûr. Mais il faut aussi démonter les films le mardi soir, le dernier film après la dernière séance, donc si vous finissez votre film vers 23h, pensez que le projectionniste finira plus vers minuit et demi sa journée.
2/ LA PROJECTION EN numérique
Paraît que c'est l'avenir. Moi, je trouve ça nettement moins fun, cliquer sur
play ça m'amuse moyen, puis à chaque fois je me dis :"C'est pas possible, ça peut pas être si simple, j'oublie un truc". Ben non. C'est aussi simple que ça.
On ne monte pas un film en numérique, on en fait l'ingestion.
On reçoit un disque dur, on le branche, on ingère le film (ça prend au mieux autant de temps que si on le regardait, alors que monter un film en pelloche, c'est plus rapide !)
Ensuite, il faut créer une playlist où on dit quel format (scope, panoramique..., 2K ou 4K..., flat ou 3Drelief, niveau sonore, etc...) et quel film on veut. Tout est automatisé, changement d'optique et tout et tout)
Le tuyau alu sert à extraire l'air surchauffé par la lampe afin de protéger l'électronique.
Voici donc le projecteur que tout le monde nous envie ^^ lol
Enfin presque pas lol, puisque nous sommes le seul cinéma dans l'IDF à être éqiupé de ce NEC nouvelle génération. Il s'agit de l'un des rares projo 4K (la plupart sont en 2K)(c'est la qualité de la définition, le volume du débit des informations)
Dessous, le Serveur (qui est en train de faire l'acquisition d'un film posé sur la chaise)
Un Scaler, qui permet d'importer des videos d'autres sources (DVD, BluRAY, Liaison Satellite)
Une bibliothèque virtuelle.
A gauche l'ordi qui sert à l'interface (très simple) du projecteur.
Et c'est tout.
L'image de ce truc est tout bonnement incroyable ! ! !
Ah non, un truc pas automatisé encore, c'est le filtre pour la 3Drelief qui vient couliser sur un rail. Il faut l'enlever quand on est pas en 3Drelief. L'optique est elle aussi dans le caisson, tout est fait pour protégé l'installation de la poussière.
Notez un truc au passage : chez les projectionnistes on dit plutôt 3Drelief pour les films que vous voulez voir en relief (ou 3D stéréo, mais c'est moins utilisé) le terme simple de 3D désignant l'animation 3D comme Final Fantasy ou les premiers Pixar.
Tout comme on parle de FA, de Film annonce, et pas de Bande Annonce.
Et voilà !
Me reste plus qu'à ajouter une dernière photo, celle de l'armoire son
Avec en haut en gris :
Le décodeur Dolby Digital
Le sélecteur de voies Dobly (mono, SR, digital)
En noir avec les antennes :
Le récepteur pour les micros HF quand on a des invités.
En dessous :
Tout pour régler le son, dont le gros bouton noir : le volume et aussi pour choisir les voies entre CD et PROJO et film ou numérique
Plus bas :
Une mixette pour les sonos.
Le lecteur CD dont on aperçoit l'affichage orangé
Et enfin :
La batterie d'amplis pour chacune des voies du 5.1 (y en aura bientôt d'autres, des amplis, pour mieux booster certaines voies, car nous avons, cinéma à l'ancienne oblige, un blacon^^)
Voilà !
C'est fini !
J'ai essayé de ne pas être trop technique tout en vous montrant vraiment comment fonctionne la projection, ce n'est pas bien sorcier mais il faut être vigilant et il y a des automatismes à prendre.
En plus de tout ce travail d'ouvrier, les projectionnistes de ce petit monosalle doivent faire la billeterie, l'affichage et la confiserie... Autant dire que personne ne chaume, car il y a en plus un site internet, la programmation de la caisse informatique, des écrans publicitaires dans l'accueil, etc, etc...